BÉRÉCHITE (Genèse)
CHÉMOT (Éxode)
VAYIKRA (Lévitique)
BAMIDBAR (Nombres)
DÉVARIM (Deutéronome)

 

 

La joie de la mitzva

Une des causes des malheurs qui pourraient frapper le peuple juif, est énoncée dans la Thora en ces termes : ‘’Parce que tu n’auras pas servi le Seigneur ton D… avec joie, dans l’allégresse de ton cœur, dans l’abondance de tous les biens’’(Deut. XLVIII – 47). 

Rabbi Chnéor Zalman de Loubavitch, l’auteur de la ‘’Tania’’ soulève cette question : Comment est-il possible que l’absence de joie et de satisfaction du cœur dans l’exercice des prescriptions de la Thora, aient à elles-seules pour conséquence, le déclenchement de toute la série de malédictions mentionnées dans le texte ?  Il justifie cela en soulignant que l’absence de joie dans l’accomplissement de l’ordonnance divine est un défaut de caractère. En effet, si l’homme bénéficie d’une situation où il a le bonheur de se réjouir du bien que l’Eternel lui dispense et qu’il garde le cœur serré, c’est signe qu’il n’a pas acquis le sens de toute la plénitude qui s’offre à lui à travers la mitzva.  Il tombe au degré que connurent les enfants d’Israël, auxquels Moïse notre maître adresse cette invective dans son dernier discours : ‘’Yichouroun s’engraisse et regimbe ; tu deviens gras, replet, bouffi. Il abandonne le D… qui l’avait fait, il méprise le rocher de son salut’’ (Deut. XXXII 15). Par ailleurs, nos Sages disent dans le Talmud  : Le premier Temple fut détruit à cause des  trois  péchés  cardinaux : l’idolâtrie, la débauche et l’homicide, dont s’est rendu coupable cette génération. Et le deuxième Temple connut le même sort pour cause de la haine gratuite(Yoma 9 b). Nulle mention n’est faite de ‘’l’absence de joie et de satisfaction du cœur’’ dans la réalisation des mitzvoth. Le Zohar s’interroge au nom de Rabbi José : ‘’On dit qu’il faut servir D… avec joie et avec des chants d’allégresse’’, mais un homme qui n’a pas de joie dans son cœur et qui prie D… dans la détresse et le souci, comment peut-il prier D… ? 

Le Zohar rappelle que les deux cent quarante-huit prescriptions positives de la Thora correspondent aux composantes du corps animées par l’âme qui atteint la perfection par leur mise en pratique. Si Moïse notre maître éprouvait un tel désir d’entrer en terre d’Israël c’était pour pouvoir y accomplir les commandements qui y sont attachés ; privé de cela, il ressent un manque pour la fonction idéale de certains de ses membres. La Thora stipule que la personne qui présente un handicap ne peut accomplir le service cultuel ; chaque membre physique étant une enveloppe des composantes de l’âme, le défaut physique porte sur elle et inversement.  Comment dès lors l’homme peut se présenter devant la gloire divine pour la servir dans un état d’imperfection ? Sachant que tous les membres du peuple d’Israël forment un seul corps, qu’ils représentent une entité, aussi, l’accomplissement d’une mitzva bénéficie à tout l’ensemble et est réalisée au nom de tous. Les mitzvoth de chacun des membres du peuple d’Israël, même de ceux qui sont retirés dans le monde de l’au-delà s’additionnent pour contribuer au mérite de chacun . Et pour que cela se réalise, il faut nécessairement que chacun individuellement adhère totalement à l’ensemble du peuple d’Israël. Il  faut pour ainsi dire, que chaque personne considère son prochain comme un membre de l’ensemble de ce corps, et qu’il lui porte un amour à la mesure de ce qu’il ressent pour sa personne. C’est dans cet ordre de pensée qu’il faut comprendre l’enseignement de Rabbi Akiva qui affirme que le commandement de la Thora : ‘’Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel ‘’, relève d’un principe fondamental.  Car sa portée  est telle qu’il procure à chacun le mérite d’avoir réalisé toutes les mitzvoth de la Thora, même celles réservées exclusivement aux   prêtres   ou   aux rois, ou à toute l’assemblée d’Israël. L’amour porté à autrui permet la complémentarité et la perfection recherchées. L’attitude contraire brise le lien et chacun pris individuellement, souffre d’un handicap et demeure dans l’imperfection. Aussi ‘’l’absence de joie et de satisfaction du cœur’’ dans l’accomplissement des mitzvoth, altère cette union du peuple et attire sur lui la malédiction. C’est pourquoi nos Sages disent : ‘’Kol Israël Arévim zé bazé’’, Les membres d’Israël sont garants l’un de l’autre’’. C’est dans cet ordre de pensée que le Talmud rapporte :’’ Rabbi Abahou affirme : la personne qui réjouit le marié et la mariée a autant de mérite que si elle apportait une offrande de gratitude’’ ; et d’après Rav Nahman Bar Itzhaq : c’est comme reconstruire l’une des ruines de Jérusalem. (Berakhoth 6 b) La joie procurée aux mariés contribue grandement à leur union et à l’harmonie qui s’instaure dans leur foyer.

  

‘’Béni sois-tu à ta venue et béni sois-tu à ta sortie’’ (Deut. XXVIII – 6)

La contradiction apparente de la mention de la venue avant la sortie, alors que l’ordre est en général inverse, fait dire au Midrach que ces deux déplacements se rapportent aux deux étapes principales de la vie, la naissance et la mort. De la sorte, l’ordre chronologique est respecté. L’auteur du livre ‘’Binayane Ariél’’, nous offre une autre interprétation et nous reporte pour cela à la récitation quotidienne de cette bénédiction qui figure dans notre rituel : ‘’D… Tu es la source, le créateur, notre D… roi de l’univers qui ne m’a point fait païen’’. Cette expression de gratitude ‘’… de nous avoir créés juifs’’, est destinée à maintenir l’exaltante conscience juive, afin de nous préserver des écueils que constituent les persécutions et l’assimilation. Cette bénédiction, loin d’être inspirée par une marque de suffisance, ou d’orgueil, ou de mépris à l’égard des autres ethnies, nous rend conscients de notre rôle de peuple de pontifes. Le peuple juif est le dépositaire de la loi promulguée au mont Sinaï. Il est chargé de conserver intact ce dépôt sacré et de le mettre à l’abri de toute influence étrangère. C’est en le gardant dans son authenticité, dans sa pureté, en le maintenant hors de toute atteinte, de toute altération, qu’il deviendra le trait d’union entre tous les hommes, lorsque la reconnaissance universelle de D… UN deviendra une réalité.

Le Beth Yossef, Rabbi Yossef Caro (1488 – 1575  à Safed) explique le libellé de cette bénédiction formulée de façon négative, alors que les Sages auraient pu adopter une forme affirmative ‘’…pour nous avoir créés juifs’’. Cela est lié dit-il à l’enseignement de nos Sages du Talmud qui rapportent que deux années et demi durant, une controverse fut entretenue entre l’école de Beth Chammaï et l’école de Beth Hillel. Les premiers soutenaient qu’il aurait mieux valu pour l’homme de ne pas être créé. Et les seconds avançaient qu’il vaut mieux pour l’homme d’être créé. En fin de compte, ils se mirent d’accord pour décréter qu’il aurait mieux valu effectivement pour l’homme de ne pas venir au monde, que le contraire. Mais à présent qu’il est né, il doit scruter ses actes pour les mener à bien. A l’appui de cet enseignement, le Beth Yossef dit :’’ L’âme humaine est envoyée en ce bas monde en vue de pouvoir jouir des félicités éternelles de façon méritée. Il lui incombe donc de se perfectionner dans la pratique du bien, de se forger une personnalité et de se frayer la voie qui mène à la vertu. Cette démarche lui permet de progresser vers la spiritualité. Il est bien connu que la longue route qui conduit à la vie éternelle, est semée d’embûches, et qu’il faut une force d’âme irrésistible pour parvenir à surmonter les multiples obstacles que le mauvais penchant dresse devant nous. C’est pourquoi nos Sages traduisent ‘’Sois béni à ta venue et à ta sortie’’, comme étant la venue au monde et la sortie de ce monde. En d’autres mots ‘’Puisse ton départ ressembler à ton arrivée’’. Et puisque la venue au monde peut se révéler mauvaise, comme le reconnaissent Beth Hillel et Beth Chammaï, nous ne pouvons pas prononcer la bénédiction à la forme positive en rendant grâce à D… de nous avoir créés juifs. Nos Sages ont donc opté pour la forme négative ‘’… de ne pas nous avoir créés païens’’. Par contre, si l’homme parvient à surmonter le défi qui lui est lancé par la tentation du vice, et qu’il arrive à déjouer les attaques sournoises de l’esprit du mal, et qu’il parvient à atteindre la spiritualité avec la conscience tranquille d’avoir fait son devoir. Alors, sa venue au monde aura été salutaire. Il aurait été parfaitement souhaitable et digne de louanges. On pourrait dire alors a son sujet ‘’Sois béni à ta venue au monde comme tu es béni à ta sortie en quittant ce monde’’. 

Rabbi Berekhiya enseigne : Il est écrit : ‘’Il est un temps pour naître et un temps pour mourir’’ (Eccl. III – 2). Entendons par là : Heureux est l’homme dont le moment de la mort est semblable en pureté morale à celui de sa naissance.  Car de même qu’il est exempt de péchés au moment de sa naissance, il l’est également au moment de sa mort. Ceci rejoint l’enseignement talmudique (Berakhoth 8 a). ‘’Rabbi Hiya Bar Ami déclare au nom de Oula : Bien que l’apprentissage de la Thora soit essentiel, celui qui prend sur son temps d’étude afin de tirer sa subsistance de son propre labeur, a plus de mérite que le dévot réduit à la mendicité parce qu’il refuse de sacrifier aux impératifs d’une vie professionnelle. En effet, concernant le dévot, le craignant D…, il est écrit simplement:’’Heureux l’homme qui craint l’Eternel’’ (Ps. CXII – 1), tandis qu’un double hommage est rendu à celui qui concilie étude et labeur. ‘’Quand tu te nourris du labeur de tes pommes, heureux es-tu, le bonheur pour toi’’ (Ps. CXXVIII – 2). Heureux es-tu dans ce monde comme si tu apprenais la Thora à plein temps, mais en plus, ‘’le bonheur’’ auquel ton étude te donnera droit dans le monde à venir sera ‘’pour toi’’, puisque tu l’auras acquis à la force de tes poignets. En revanche, pour l’assisté, qui par crainte obsessionnelle du ciel, se fait entretenir afin de se vouer totalement à l’étude, il n’est pas écrit ‘’le bonheur pour toi’’ parce qu’il devra le partager avec ceux qui l’auront soutenu matériellement.

 A l’égard d’une personne qui adopte une telle vertu, on peut dire ‘’Baroukh ata bévoèkha’’ ‘’tu es béni à ta venue’’, et combien tu es béni à ta sortie de ce monde.

 

Viddouye maasser

Dans la première partie du livre du Deutéronome, la Thora nous prescrit de prélever la dîme de toute la récolte des produits annuels de notre champ et de consommer cette dîme à Jérusalem, lieu où réside le sanctuaire voué à l’Eternel (Deut. XIV – 22).

Alors que dans la dernière partie de ce même livre se trouve exposée comme en conclusion de ce sujet abordé précédemment, la mention suivante, appelée par nos Sages ‘’confession du ma’asser’’, ainsi stipulé : ‘’Lorsque tu auras achevé de prélever toute la dîme de tes produits, la troisième année, année de la dîme, que tu auras donnée aux Lévites, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve ; que l’ayant mangée dans tes portes, ils en seront rassasiés’’ (Deut. XXVI – 13)

C’est alors au seuil de la fête de Pessah, de la quatrième et de la septième année, que tu feras cette déclaration solennelle devant l’Eternel dans son sanctuaire : ‘’J’ai fait disparaître de chez moi les choses saintes, ce qui était consacré et je les ai données aux lévites, à l’étranger, à l’orphelin, et à la  veuve, en me conformant à toutes les prescriptions, ; je n’ai transgressé aucun de tes commandements et n’ai pas oublié… J’ai  écouté la voix du Seigneur mon D… J’ai agi selon tout ce que tu m’avais prescrit’’(Deut. XXVI – 1 », 14).

Cette confession récitée à haute voix nous interpelle. En effet, on pourrait à la suite de cela, taxer la personne qui prononce ces paroles, de fanfaronnade , voire même la soupçonner d’orgueil, que de se vanter des actes accomplis conformément à l’ordonnance de l’Eternel. De nos jours encore, on n’apprécie guère les formules répandues de :’’j’ai dit, et alors ? Ce ne sont là que des mots’’. De plus ces manières de parler porteraient atteinte au caractère sacré de la parole qui caractérise l’homme tout particulièrement.

Mais c’est précisément là l’idée essentielle du viddouye maaser que retient l’auteur du Sefer ha Hinoukh, du livre des six cent treize commandements :’’Le langage parlé, la puissance du verbe, distinguent l’homme de tous les êtres vivants. Aussi, nombreux sont les hommes qui appréhendent de profaner leur parole, plus encore que de commettre un acte répréhensible’’.

Or le prélèvement de la terouma  et des dîmes, applicable à l’époque du Temple est une ordonnance d’une grande valeur ; surtout que la subsistance des serviteurs de l’Eternel est assurée  grâce à l’observation minutieuse de cette mitzva. Aussi, écrit l’auteur du Sefer ha Hinoukh, est-ce un effet de la bonté de l’Eternel à notre égard, de nous mettre en garde  par cette confession périodique , afin que nous ne négligions pas ce devoir sacré, que nous ne profitions pasindûment de ce qui ne nous appartient plus ! La déclaration solennelle dans son sanctuaire aura le carctère d’un véritable témoignage devant Celui qui connaît toutes nos pensées. En un tel lieu nous ne saurions proférer un mensonge.’’

Rappelons que ces déclarations  devaient être faites après les quatrièmes et sixièmes années du cycle chabbatique , années de la dîme des pauvres (le dernir  jour de Pessah de la quatrième ou septième année).

Nonobstant cette belle explication, je suggère de nous référer à l’avis de Don Ithaque Abarbaneel, qui explique ce viddouye ma’asser, la confession qui accompagne cette ordonnance, en avançant qu’à travers cette déclaration, l’auteur de la mitzva montre qu’il l’accomplit avec bon cœur et qu’il est heureux de rendre la chose publique, puisque cela se fait à Jérusalem, au sanctuaire, et qu’ainsi son don et sa générosité seront connus et loués par tous. Nous pouvons déduire de cet vargument bavancé par Abarbaneel, que la publication communautaire d’un acte de générosité, d’un don, est légitime et même souhaitée , et qu’elle constitue un encouragement et un stimulant au donateur et surtout à son entourage.  C’est à cette argumentation que Rabbi Chelomo ben Adereth s’est référé lorsque la question suivante lui avait été adressée : ‘’Est-ce que l’assemblée peut empêcher un généreux donateur de voir son nom figurer sur les murs de la maison de prières ?’’(par exemple)

Rabbi Chelomo ben Adereth avait répondu bqu’il ne voyait pas comment l’assemblée pouvait de par la loi, empêcher une telle pratique, et rapporte à cet effet de nombreuses références glanées à travers la Thora et le Talmud pour étayer ses dires. Il ressort de cela qu’il est important d’honorer et de faire connaître publiquement les offrandes de nos généreux donateurs pour le bien de toute la communauté ; et surtout pour strimuler et encourager les jeunes qui prendront exemple sur  leurs aînés.

 

 

 

Grand Rabbin Chalom Benizri.