Yitro : La lecture horizontale (16/01/2014)
Il existe plusieurs lectures des « 10 Paroles ». Nous proposons ici une analyse horizontale.
Dans son commentaire sur le Cantique des Cantiques, Rachi associe les 2 « seins » de l’assemblée d’Israël (ch. 4, 5) aux 2 tables de la loi qui, comme les 2 « jumeaux d’une biche », se trouvent l’une en face de l’autre. Autrement dit, il y’aurait un rapport profond entre la 1ère parole et la 6ème, entre la 2ème et la 7ème, etc. Nous tenterons ici de développer cette idée et d'analyser le sens caché qui caractérise chacune des « lignes ».
1-6 : Quel rapport entre la présence divine et l’interdiction de l’assassinat ? Cette association signifie que, pour nous, l’interdiction du crime n’est pas seulement une condition sine qua non au développement de la société. Mais, comme chacun d’entre nous est porteur d’une parcelle de divinité, ôter la vie à un être revient à ôter une partie de D’ieu. Si il est interdit de tuer, c’est d’abord parce que D’ieu est à l’origine de la vie.
2-7 : D’un côté, « Tu n’auras pas d’autres D’ieux », de l’autre « N’adultère pas ». Cette ligne insiste sur l’importance de la fidélité. Israël et D’ieu représentent un couple, l’homme et la femme aussi. Si on est capable d’aimer D’ieu (image du Shir HaShirim) comme on aime sa femme, être infidèle à sa femme exprime aussi une infidélité envers le créateur puisque l’amour est tout d’abord une question de fidélité.
3-8 : Quel lien existe-t-il entre « prononcer le nom de D’ieu en vain » et « voler » ? Pas évident, surtout lorsqu’on voit avec quelle facilité nous utilisons le nom de D’ieu dans notre quotidien. En réalité, on peut voler les hommes mais pas D’ieu, car tout lui appartient. Il ne reste qu’une manière de lui porter atteinte, de le « voler » : déprécier sa renommée, sa réputation, son nom. Le citer trop souvent revient à voler son statut divin.
4-9 : Le « Souvenir du Shabbat » opposé à l’interdit du « faux témoignage ». Magnifique ! Car le shabbat est depuis toujours une question de témoignage. Déjà dans le désert, l’expérience d’Israël était basée sur un évènement historique (cfr dernier Dvar Torah). Devarim et la torah entière s’appuient sur ce que « vous avez vu », « vous avez entendu ». Nous pratiquons car nous avons été témoins. Mais problème : comment témoigner de ce qui a précédé la naissance du peuple ? Comment témoigner de la création ? En insistant sur une des 2 particularités de la création : le repos du 7ème jour. Ainsi, nous récitons debout (comme 2 témoins) le Kiddush, et rappelons dans nos prières les Maassé Bereshit. Dans une optique juive, transgresser le shabbat revient à porter un faux témoignage.
5-10 : Comment comprendre le Respect des parents à travers l’interdit de convoiter ? Rachi nous dit : « Si vous convoitez, votre enfant vous manquera de respect ». Inverser la proposition me semble plus compréhensible au niveau pédagogique. Cela donne : « Si vous êtes respectueux de vos parents, vous ne convoiterez pas ». Cela veut dire qu’au plus nous aidons nos parents vieux (c’est à ceux-là que se réfèrent la 5ème parole), au plus nous apprécions la valeur de notre propre existence (car EUX nous ont donné la vie). Autrement dit, honorer ses parents engendre un respect de soi qui lui-même balaye la convoitise.
Shabbat Shalom,
Lionel.
Beshala’h : Qui a ouvert la mer ? (09/01/2014)
La physique peut très bien expliquer l’ouverture de la mer à la traversée des enfants d’Israël.
La Emouna – foi d’Israël- est capable d’associer Dynamique des fluides et miracle divin.
Le soleil se couchait dans l'est du delta du Nil. Un homme se tenait sur le rivage d'une grande mer de roseaux. Lorsque le crépuscule tomba sur la terre d'Egypte, il leva son bâton. Un vent hurlant soufflait de l'est toute la nuit, et le matin, l'homme vit un spectacle étrange et merveilleux! La mer avait complètement disparu, emporté à l'ouest, et les gens pouvaient marcher sur la terre ferme où encore hier des poissons nageaient et des bateaux naviguaient. L'homme était émerveillé de ce spectacle, de la puissance du vent sur l'eau. Le nom decet homme n’est pas Moïse, mais le major-général Sir Alexander B. Tulloch. Il a servi dans l'armée britannique en 1882, pas dans l'armée des hébreux de 1250 AC. Et la tige est celle de l’arpenteur, pas le bâton d'un prophète. Néanmoins, Tulloch a reconnu la similitude entre l'événement et le récit bien connu de notre parasha – K’riat Yam Souf.
L’épisode pour le monde religieux semble dérangeant. Car si un fort vent d'est ayant soufflé toute la nuit durant la sortie d'Égypte a fait reculer les flots de la mer, Moïse n’est plus l’auteur du miracle. Plus troublant : la dynamique des fluides – partie de la physique qui explique le mouvement des eaux - a sa propre explication du phénomène. En effet, depuis les recherches de Carl Drews, nous –scientifiques- menons des simulations qui correspondent à ce qui est décrit dans le livre de Shemot. Ces simulations sur ordinateur montrent, par exemple, que le vent, en poussant les eaux d'un lac ou d'un océan toujours dans la même direction, peut parfois permettre le dégagement d'un passage à sec temporaire et la traversée à pied du plan d'eau victime de ce phénomène naturel.
En abrégé, le vent fait bouger les eaux d'une manière qui, conformément aux lois de la physique, crée un passage sûr encadré des deux côtés par les flots. Ainsi, à l’endroit même de la séparation (Yam Suf-Nuweiba) des ventsd'environ 100 km/h, soufflant de façon continue pendant une douzaine d'heures, pourraient avoir fait reculer des eaux profondes de 1,80 mètre et former un passage de 5 kilomètres de long ouvertpendant 4 heures. Des conditions qui vont ensuite laisser brusquement les eaux reprendre leur place. Ce qui explique comment les soldats du pharaon, lancés aux trousses d’Israël, auraient pour leur part été engloutis par les eaux, soudainement revenues à leur place.
C’est pour ce genre de miracles, traduisibles en phénomènes scientifiques, que la Emouna joue un rôle essentiel. Car, si pour la tradition chrétienne, la foi est opposée au Rationnel, Pour nous la raisonscientifique conforte la Emouna. En effet, la tradition d'Israël enseigne que l'on ne peut avoir pour objet de foi que des récits qui sont validés par la raison ou bien prouvés par des faits (Kuzari, I). La traversée, relatée dans notre parasha, n’a donc rien d’incompatible avec les roues de chars en or, les os humains et autres squelettes de chevaux retrouvés à Nuweiba – endroit même du passage de la mer. Bien au contraire, les noms «Pharaon», «Moïse», «Mitsraïm» ne figurent probablement pas par hasard sur ces colonnes datant du XIIIème. Enfin, la découverte d’un pont de terre intact visible encore aujourd’hui signale qu’Emouna et Rationnel avancent p-e dans la même direction.
Shabbat Shalom,
Lionel Benizri.